LES RECITS DU CORANAvant de consulter les textes de tafsîr, le lecteur ou l'auditeur pourrait déduire schématiquement que les contemporains du Message de l'Islam ont été soumis à une épreuve. Cette "épreuve" ressemble à une autre épreuve à laquelle avaient été soumis des gens non identifiés qui possédaient vraisemblablement une ferme fruitière et qui avaient juré un jour qu'ils récolteraient les fruits de leur ferme le lendemain matin, sans assortir leur serment de la réserve de la Volonté d'Allah, c'est-à -dire sans tenir compte de la Volonté d'Allah dans la réalisation de leur projet. Puis un imprévu s'est produit... le Ciel a envoyé sur le verger une calamité qui l'a rasé complètement et l'a transformé comme une nuit ténébreuse par sa désolation, et ce avant même l'arrivée du matin où ils eussent dû faire la récolte, et alors qu'ils étaient encore plongés dans leur sommeil. C'est tout ce qu'on peut comprendre comme péripéties de la nouvelle qui ne donne pas davantage de détails. Mais si nous nous référons aux textes de tafsîr, au prologue de la nouvelle qui fait allusion à «celui qui profère des serments»[132], «celui qui interdit le bien»[133], et que nous relisons par la suite la nouvelle, une diversité de lumière apparaît, et apporte au récit un éclairage artistique et idéologique auquel il convient de s'arrêter. * * * Selon les textes d'exégèse (tafsîr), il y avait un verger au Yémen, situé à quelques kilomètres de Sana'a. Il appartenait à un vieillard pieux qui ne rapportait rien des fruits de sa propriété avant, d'en donner une partie en aumône aux pauvres. Puis le vieillard s'éteignit et ses fils lui succédèrent. Selon certains textes de tafsîr, les fils du vieillard pensèrent alors à priver les pauvres des fruits du verger, sous prétexte qu'ils avaient eux-mêmes une famille nombreuse et qu'ils avaient par conséquent, plus droit aux produits de leur jardin que ceux qui avaient l'habitude d'en bénéficier jusqu'alors. Selon d'autres textes exégétiques, les héritiers se sont enorgueillis et sont devenus avides lorsqu'ils constatèrent que leur verger produisait (l'année du décès du vieillard) beaucoup plus de fruits que du vivant de leur père. Aussi décidèrent-ils de garder pour eux la totalité de la récolte du verger et d'en priver les pauvres, en attribuant la générosité de leur père envers les pauvres à sa "sénilité", pour se donner bonne conscience. Ayant pris cette décision, ils ont convenu d'aller le lendemain matin au verger pour en cueillir la totalité des fruits, faisant le serment d'exécuter certainement ce plan, sans en faire assortir la réalisation de la condition de la "Volonté d'Allah". C'est alors, que le Ciel a fait anéantir le verger tel que nous le raconte le récit lui-même. A la lumière de cet éclairage des textes de tafsîr nous pouvons mieux expliquer les procédés artistiques de la construction du récit, sur le plan de sa structure: début, milieu, fin, sur le plan de ses personnages, ses péripéties et ses situations, et enfin sur le plan de son style: dialogue et narration.
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