LES RECITS DU CORAN



Le premier trait ou procédé artistique de ce récit est qu'il ne suit pas un tracé linéaire dans le déroulement des faits. Ainsi, lorsqu'il aborde les personnages, il ne présente pas tous leurs traits caractéristiques, qu'il divulguera dans la deuxième partie, à travers le dialogue qui va nous faire connaître toutes les dimensions de leurs personnalités (et ce après que le verger aura été anéanti, comme nous allons le voir plus tard).

En tout état de cause, ce sont la signification idéologique du récit et les objectifs visés par le texte coranique qui révèlent l'importance d'une telle structure artistique qui cherche à susciter la curiosité du lecteur, à le tenir en haleine et à le surprendre, pour atteindre les objectifs visés. C'est pourquoi, il est important de nous étendre un peu sur ce sujet.

Il faut tenir compte que lorsque la sourate coranique s'adresse au Prophète (P) dans ces termes: «N'obéis pas à celui qui profère des serments et qui est vil; au diffamateur qui répand la calomnie; à celui qui interdit le bien... »[134], elle met en évidence, dans un récit réaliste, des concepts précis à travers lesquels elle veut nous faire comprendre comment un individu qui jure par Allah, par exemple, sans pour autant, tenir compte de Sa Volonté, ou comment celui qui interdit le bien et en prive les pauvres connaîtront des sorts sombres, impitoyables auxquels ils ne s'attendaient jamais.

Or les péripéties du récit sont venues confirmer cette vérité avec d'autant plus d'évidence qu'il nous raconte comment un verger productif qui n'a jamais connu de stérilité, ni aucune calamité agricole tout au long de la vie du vieillard est subitement anéanti, et mieux, par une calamité absolument imprévue, et d'autant plus imprévue que sa production avait augmenté l'année même de la mort de son propriétaire, ce qui n'a pas manqué de contribuer à la conviction des héritiers que leur verger s'acheminait vers le développement et vers une meilleure santé, sans qu'ils puissent envisager un moment qu'il pourrait disparaître complètement et soudainement, et non progressivement avec le temps.

Comment peut-il mourir la nuit même où ses nouveaux propriétaires attendaient le lever du jour du lendemain pour cueillir ses fruits! Oui, ils «avaient juré de faire leur récolte au matin».[135]

Ainsi, les péripéties du récit veulent nous montrer la fin noire de «quiconque profère des serments à la légère», de «quiconque interdit les bienfaits d'Allah à autrui».

Ce sont là deux modèles d'individus contemporains du Prophète (P), semblables aux personnages présentés par le récit coranique.

* * *

La première partie ou séquence du récit des Gens du Verger traite de l'événement de l'anéantissement du verger: «une calamité envoyée par ton Seigneur les surprit tandis qu'ils dormaient, et ce fut, au matin, comme si tout avait été rasé».[136]

Dans cette séquence, on n'apprend des péripéties du récit que la transformation du verger, d'un jardin très productif en un terrain pareil à la nuit dans sa désolation. Et le seul détail relatif aux attitudes et aux comportements des propriétaires du verger, évoqué dans cette séquence est le serment qu'ils ont fait de récolter les fruits de leur verger le lendemain matin sans tenir compte de la Volonté du Ciel: «Ils avaient juré de faire leur récolte au matin, mais ils avaient juré sans faire de restriction».[137]



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