LES RECITS DU CORAN



Puis en se montrant solidaire avec son peuple et soucieux de son intérêt: «la royauté vous appartient aujourd'hui, et vous triomphez sur la terre; mais qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?»[33], et avant tout cela il a calmé le jeu ou tempéré l'enjeu en déclarant: «S'il est menteur, son mensonge retombera sur lui; s'il dit la vérité, ce dont il vous menace vous atteindra...».[34]

Par cette méthode le héros a modéré l'importance du problème d'une part, l'a lié à l'intérêt du peuple de l'autre (au cas où Moïse aurait dit la vérité) - ce qui sert à rassurer les gens quant à ses bons sentiments envers eux, avant de monter progressivement le ton en leur rappelant d'abord le sort réservé aux peuples passés et comment ils avaient mis en doute le message de Joseph (P), et en affichant enfin sa véritable position lorsqu'il a utilisé le même ton franc sur lequel Moïse (P) s'était adressé à eux, c'est-à-dire le langage de la confrontation directe avec les tyrans, mais formulé selon un style affectif propre à tous les messages du Ciel, et doublé du langage de la menace, mais une menace plutôt paternelle que vindicative, car elle vise à amener les gens à la Foi avec tout ce qu'elle apporte de bienfaits dans ce bas-monde et dans l'Au-delà, au peuple.

En tout état de cause, le héros a commencé par la taqiyyah (dissimulation de la Foi) pour avancer progressivement vers la "neutralité" et arriver enfin à "la confrontation franche", et d'autant plus directe qu'il était amené à envisager le pire pour lui-même: son arrestation ou son assassinat. Et là il s'est écrié: «je confie mon sort à Dieu».[35]

Moralité, il est important, d'une part, de savoir dissimuler parfois notre foi, pour pouvoir par la suite exploiter notre position, le moment venu, d'une façon intelligente, et non passionnelle ni naïve qui ne tient pas compte des circonstances ambiantes, et d'autre part de nous confier et de nous fier à Allah lorsque nous nous engageons dans la confrontation directe.

* * *

Le récit a conclu le sort du héros et ceux de ses ennemis d'une façon brève et sans détails.

Concernant le sort du premier, le héros, le récit s'est contenté de faire allusion à la préservation de sa vie terrestre: «Dieu préserva ce croyant de leurs méchantes ruses».[36]

Notons tout d'abord que ce qui importe pour le récit c'est d'établir un lieu de cause à effet entre le fait que le héros se soit confié à Allah et le fait qu'Allah l'ait sauvé des menées méchantes de ses ennemis. Et s'il a tissé un silence autour de la façon dont fut sauvé le héros, c'est parce qu'il s'intéresse uniquement au salut lui-même du personnage et non à son comment. Telle est donc la justification romanesque de l'absence de détails relatifs au sort du Croyant des gens de Pharaon.

En effet, ce que vise le récit, c'est d'attirer notre attention sur la soustraction du héros aux mauvais desseins des gens de Pharaon à son égard, dès lors qu'il s'était confié à Allah.

"La confiance en Allah", voilà le message que cette séquence du récit nous transmet, après nous avoir communiqué le message de la taqiyyah et le message de "la confrontation directe avec les ennemis" dans le domaine du jihâd.



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