LES RECITS DU CORAN



En résumé, lorsque le récit coranique nous a transmis par la bouche des héros une parole qu'ils n'ont pas prononcée, mais qu'ils ont formée mentalement ou conçue sous forme de pensées qu'il a traduite lui-même en langage vivant, il a utilisé les courbes du langage de l'esprit auxquelles nous devons nous arrêter longuement pour découvrir leur importance artistique et comprendre par ce biais les idées que le récit veut nous faire parvenir, concernant la fonction que le Ciel a assignée à l'homme sur la terre, laquelle fonction n'est autre que sa mise à l'épreuve.

Récapitulons pour mieux comprendre ce qui vient d'être avancé. Nous avons déjà dit que lorsque les "Pieux" ou les héros d'Ahl-ul-Bayt (p) ont nourri l'indigent, l'orphelin et le captif, en disant: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude. Nous redoutons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique»,[189] ils n'ont pas prononcé ces paroles, selon les textes de tafsîr, mais que c'est Allah Qui a su ce qu'ils ont pensé, et que c'est le récit qui a transcrit leur pensée sous cette forme langagière.

Il nous appartient, maintenant après avoir expliqué brièvement quelques données de ce genre de monologue intérieur, de l'étudier, d'une façon plus exhaustive, en raison de l'importance de ce procédé littéraire auquel a recouru le récit coranique, procédé dont les subtilités artistiques avaient échappé aux anciens rhétoriciens et critiques à cause de la limite des connaissances scientifiques de leur époque.

Les critiques modernes se sont rendus compte (en raison du développement des connaissances psychologiques dès le début du 20e siècle) de l'importance et des secrets des activités de l'esprit ainsi que de la façon de leur organisation et de leur soumission tantôt à la conscience tantôt à l'inconscience, à travers ce qu'on appelle en terminologie psychologique, l'association d'idées. Ils ont en outre perçu la nature des idées et leur lien avec le langage exprimé ou non exprimé, c'est-à-dire les idées qui prennent forme dans l'esprit sans qu'elles soient transférées vers l'appareil phonatoire.

Il est évident que la transmission des idées - telles qu'elles sont élaborées dans l'esprit - aux autres est une opération difficile à réaliser avec précision en raison du chaos du processus de la pensée et sa non-soumission à un ordre uniforme ou monotone, car l'homme peut penser à la troisième personne (il, elle), puis changer subitement pour élaborer sa pensée à la deuxième personne (tu, vous), et passer sans délai à la première personne (je, nous), et ainsi de suite.

Le processus de l'association d'idées que certains romanciers modernes ont essayé de traduire en oeuvre romanesque à travers le monologue intérieur prolongé et dépouillé d'une suite logique est sans doute l'une des tentatives de la traduction du processus de la pensée, avec son déplacement d'un pronom personnel à l'autre, et ses sauts d'un sujet à l'autre qu'impose le mécanisme de cette association d'idées, mais s'avère être, en fin de compte, sans aucun doute très utile pour la découverte des tréfonds de l'homme, de la nature de ses sentiments, surtout lorsqu'on sait qu'aucun autre moyen n'est possible pour faire cette élucidation, tant que l'homme continue de penser avec un langage non exprimé par la parole.

Ce qui nous importe ici, c'est d'attirer l'attention sur le fait que si le récit coranique nous a présenté les pensées des héros (c'est-à-dire l'énoncé «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah; nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude»), sous une forme non prononcée, c'est parce que ce procédé est une vérité psychologique qui renferme des secrets qu'il est nécessaire de faire connaître afin de nous en servir dans notre conduite.

* * *

Un individu pourrait bien parler à lui-même en se disant (mais sans le prononcer): «J'ai nourri ce pauvre pour la Face d'Allah». Il pourrait aussi destiner la parole suivante (mais sans la prononcer ou sans qu'on l'entende) à un pauvre: «Je t'ai nourri pour plaire à Allah».

Il pourrait également penser d'une façon vague et imprécise à un sujet spécifique "l'offre de nourriture au pauvre pour la Face d'Allah", sans que cette pensée soit conçue sous forme d'un vocabulaire déterminé, mais plutôt en termes de concepts - tels ceux qui passent par sa tête tout au long de son éveil et de son état de conscience, à propos de ce qui se passe autour de lui.



back 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 next