L'ECOLE D'AHLOUL BAYTmais la revendication par les ahl-ul-bayt de la succession légitime du prophète leur a valu d'être systématiquement écartés du pouvoir, persécutés, combattus, dénigrés et mis au ban de la société par les différentes dynasties califales, qui les considéraient comme une menace pour leur pouvoir et leur autorité, et qui n'hésitèrent pas à tout mettre en oeuvre pour empêcher la diffusion de leurs enseignements et des hadith du prophète qu'ils transmettaient directement de père en fils. 2- l'exigence de la justice comme qualité requise pour le gouvernant. le deuxième facteur politique relatif au pouvoir, et qui explique la séparation artificielle entre l'ecole d'ahl-ul-bayt (les chi'ites) et les quatre ecoles juridiques sunnites, est le fait que les chi'ites se distinguent par leur position tranchée et leur intransigeance en ce qui concerne la qualité de "justice" chez tout gouvernant. bien plus, ils exigent de tout dirigeant musulman, qu'il soit gouvernant, imam de prière, compagnon ou "mujtahid" (jurisconsulte), d'être intègre et juste. or personne n'ignore que les gouvernants qui se sont succédés à la tête de l'etat islamique depuis les omayyades jusqu'aux ottomans, en passant par les abbassides, et qui ont accédé au pouvoir beaucoup plus par voie héréditaire ou appartenance clanique, ou par la force de l'épée, qu'en raison de leurs qualités religieuses, étaient loin de remplir, tous, cette exigence de justice, de piété, et d'intégrité. en outre, ils étaient moins soucieux d'appliquer ce principe de justice que de se maintenir au pouvoir. aucun de ces gouvernants ne pouvait oublier comment l'imam al-hussayn, le "maître de la jeunesse du paradis" (selon un hadith que l'on verra dans ce livre) et petit-fils du prophète, n'avait pas hésité à sacrifier sa vie et celle des siens en rappelant aux musulmans ce célèbre hadith du messager d'allah en guise d'appel au soulèvement contre l'injustice, la corruption et la débauche de yazîd : «o musulmans ! s'était écrié l'imam al-hussain. le messager d'allah a dit : "quiconque voit un gouvernant injuste qui rend licite ce qu'allah a interdit, qui dévie de la sunnah du messager d'allah, qui agresse les musulmans et qui commet des péchés contre eux, sans s'opposer à ce gouvernant ni en paroles, ni en actes, allah lui réserve obligatoirement le même traitement qu'il réserve audit gouvernant !".» aucun de ces gouvernants ne pouvait non plus oublier les nombreux soulèvements, tels celui de zayd ibn 'alî (9) et celui d'al-nafs "al-zakiyyah" (10), parmi bien d'autres qui suivirent la révolution d'al-hussayn et qui mirent à rude épreuve les autorités califales. les différentes dynasties califales voyaient donc, et à juste raison, dans la doctrine chi'ite dont l'imam al-hussayn constituait l'un des principaux symboles, une menace potentielle permanente pour leur règne, étant donné que la justice ne rimait pas toujours avec les impératifs d'un pouvoir auquel elles n'avaient pas accédé forcément par des moyens légaux et selon des critères islamiques authentiques. ne pouvant pas combattre la doctrine chi'ite sur ce point -la justice comme qualité requise pour un gouvernant- qui était, et qui est toujours malgré tout souhaité par tous les courants de l'islam, même si elle n'est pas considérée comme obligatoire par tous, les autorités califales -qui maintenaient sous leur surveillance et leur contrôle les activités jurisprudentielles des courants et ecoles juridiques- ont tout fait pour que soit dénigrée la doctrine chi'ite dans son ensemble, en lui attribuant perfidement des croyances hérétiques professées par des sectes extrémistes et dissidentes que les chi'ites et leurs dirigeants étaient pourtant les premiers à dénoncer comme impies. ils voulaient ainsi mettre l'ecole d'ahl-ul-bayt au ban de la communauté et l'écarter des autres ecoles juridiques qui ne représentaient pas un danger réel pour le régime en place, car elles n'avaient pas les mêmes positions politiques que les chi'ites. cette campagne de dénigrement menée sans relâche par le pouvoir et certaines "autorités religieuses" complices ou dociles fut constante tout au long du règne des différentes dynasties califales, car même lorsqu'il se trouvait parmi les califes certains, comme al-ma'mûn, qui n'étaient pas hostiles à la doctrine chi'ite en général, ils encourageaient malgré tout, ou du moins laissaient faire, la campagne de dénigrement dont faisait l'objet l'ecole chi'ite, car la position particulière du chi'isme en ce qui concerne la succession du prophète d'une part, et d'autre part la qualité de justice exigée du gouvernant, constituait quand même une menace en puissance contre leur propre pouvoir.
|