ABU ZHAR AL GHIFARI»allah m'a accordé le califat (la succession) du saint prophète, et je suis capable maintenant de le mener à bien. j'ai pris en main mon poste et je suis en train de m'acquitter de ce devoir important et onéreux. le même allah qui m'a accordé le califat me confère la capacité de me conformer à sa volonté. j'ai compris aussi le secret de cette parole: "vous êtes tous des responsables et vous serez tous comptables des actes des gens", et j'ai pris conscience du strict fait que celui qui a été porté au poste de commandement a été investi en même temps d'une lourde responsabilité. le gardien du peuple sera appelé à fournir des explications sur chaque acte de ses administrés et des comptes pour chaque particule et chaque atome. on m'a informé que certains d'entre vous objectent à ma façon de dépenser l'argent et qu'ils disent qu'il aurait mieux valu que `othmân dépensât cet argent au bénéfice des soldats et de leurs enfants. oui, cela aurait été plus opportun, et plus acceptable pour allah bien sûr. je l'admets. et désormais je le ferai. je vais envoyer à chaque ville une personne digne de confiance pour distribuer aux soldats et à leurs enfants autant d'argent qu'on en a collecté, et mettre de côté ce qui reste pour servir au moment de besoin. »si allah le veut, je paierai les droits des vieillards, des pauvres, des orphelins et des veuves. je vous consulterai pendant mes moments disponibles sur des questions qui se poseraient et j'agirai conformément à vos conseils. venez me voir de temps en temps pour discuter des problèmes et des convenances et pour m'expliquer ce qui vous semblerait bon d'expliquer. j'accomplirai le travail avec votre consentement et selon les exigences des circonstances. je n'ai aucun gardien à ma porte pour vous contrôler. toute personne peut venir à tout moment pour me dire tout ce qu'elle veut. que la paix soit sur vous!». en entendant ce discours de `othmân, les musulmans furent très satisfaits et rentrèrent chez eux en faisant ses éloges et en priant pour lui. `othmân pour sa part, tint parole, suivit la voie de la justice, observa l'équité entre les soldats et les civils, traitant tout le monde avec bonté et s'occupant des pauvres et des orphelins. cela dura un an. `othmân changea de politique et de méthode, et adopta des mesures contraires aux normes de la tradition et des vertus. les compagnons du prophète, très choqués par ce changement d'attitude, se réunirent et prirent la décision d'aller voir le calife pour lui présenter une liste d'agissements contraires à l'islam, commis par son gouvernement depuis son accession au califat. ils avaient choisi de présenter leurs griefs plutôt par écrit qu'oralement, car ils craignaient d'une part d'oublier lors d'une présentation orale certains des sujets de leurs mécontentements, et d'autre part de ne pas oser les exposer franchement. ils rédigèrent donc les trois principales pratiques irréligieuses apparues depuis l'investiture de `othmân, et projetèrent d'aller ensemble chez le calife pour lui remettre leur document. les gens qui avaient rédigé ce document rencontrèrent `ammâr ibn yâcer et l'informèrent de ce qu'ils avaient écrit. ils lui demandèrent s'il pouvait se charger lui-même de remettre le document à `othmân. `ammâr ibn yâcer accéda à leur demande, prit la pétition et se rendit chez le calife. lorsque `othmân, qui était sur le point de sortir, vit `ammâr ibn yâcer à sa porte avec un document, il lui demanda: «o abul-yaqzan! désires-tu me voir?». `ammâr répondit: «je ne viens pas te voir pour une affaire personnelle, mais les compagnons du prophète ont préparé collectivement une liste des actions contraires à la loi islamique commises par toi et ils voudraient que tu clarifies ta position sur ce sujet».
`othmân prit le document avec irritation, en lit quelques lignes et le jeta. `ammâr lui dit: «ne le jette pas, car ce papier a été écrit par les compagnons du saint prophète. tu devrais plutôt le lire attentivement et te conformer à son contenu. je dis ceci dans ton intérêt». `othmân dit: «o fils de sumayyah! tu mens». `ammâr répondit: «je suis sans aucun doute le fils de sumayyah et de yâcer». le calife devint furieux. il ordonna à ses serviteurs de battre `ammâr, le grand compagnon du prophète. il fut ainsi tellement battu qu'il perdit connaissance. puis, `othmân lui-même avança vers lui et lui administra plusieurs coups sur l'estomac et les testicules. `ammâr perdit connaissance de nouveau. ces coups provoquèrent une hernie chez lui. lorsque les banî makhzûm, qui étaient des cousins et des proches parents de `ammâr, apprirent ce qui lui avait éait arrivé, ils allèrent le chercher avec hâchim ibn walîd ibn mughîrah, le ramenèrent à la maison et l'allongèrent sur le lit. alors que `ammâr était encore inconscient tous les gens jurèrent que s'il venait à mourir des suites de son passage à tabac, ils tueraient `othmân. `ammâr étant dans cet état d'inconscience, il manqua la prière de l'après-midi et celle du soir. lorsqu'il reprit conscience pendant la nuit, il se releva, fit l'ablution rituelle et accomplit tout de suite les prières manquées. cet incident dont fut victime `ammâr fait partie d'un ensemble de méfaits reprochés à `othmân et à cause desquels les compagnons refusaient de lui prêter serment d'allégeance.(41) nous citons ci-après quelques exemples tirés de livres d'histoire dignes de foi, pour donner une idée des actions révoltantes perpétrées pendant le mandat de `othmân, et montrer quel traitement injuste il réserva aussi bien au public qu'aux nobles compagnons du saint prophète, et quelles pratiques déviationnistes furent instituées pendant son califat. selon "ta'rîkh al-khulafâ'" d'al-suyûtî, `othmân était le premier en islam à introduire le `azân (l'appel à la prière) avant la prière du vendredi. selon "al-wasâ'il fî ma`rifat al-awâ'il", `othmân était le premier à faire précéder la prière de `id par le serment. ni, à l'époque du saint prophète ni, pendant le mandat d'abû bakr et de `omar cette pratique n'avait eu cours. selon "murûj al-thahab" d'al-mas`ûdî, lorsque `othmân devint calife, son oncle al-hakam ibn al-`Âç et le fils de celui-ci, marwân ibn al-hakam ainsi que d'autres membres des banî `omayyah (qui avaient été bannis de médine sur ordre du saint prophète) se réunirent autour de `othmân et devinrent les hommes forts de son régime. en effet, marwân n'était autre que le proscrit qui avait été expulsé de médine par le prophète, et frappé d'interdiction de retour et de séjour à médine et ses environs. d'autre part, parmi les gouverneurs nommés par `othmân, figurait son frère maternel, al-walîd ibn `uqbah dont le prophète avait dit qu'il irait en enfer. ce walîd ibn `uqbah passait ses nuits à boire de l'alcool avec des amis, des musiciens et des prostituées. un jour lorsqu'il fut réveillé par le muezzin(42) à l'aube, il se rendit au masjid en état d'ébriété, dirigea la prière du matin, en accomplissant quatre rak`ah (unités) de prière au lieu de deux requises, et dit aux gens qu'il était prêt à en faire encore plus, s'ils le désiraient! les livres d'histoire disent aussi, que lorsqu'il se prosterna, il prolongea indûment la prosternation en disant: «buvez et apportez-moi à boire». l'un de ceux dont il dirigeait la prière et qui se trouvait dans le premier rang, juste derrière lui, lui dit: «tu ne nous étonnes pas, mais ce qui nous étonne, c'est celui qui t'a nommé imam de la prière». lorsque les nouvelles de la débauche de walid et son alcoolisme parvinrent aux oreilles de tout le monde, un groupe de musulmans incluant abû jundab et abû zaynab se rendirent dans le masjid pour le surprendre. ils le trouvèrent inconscient. ils essayèrent de le réveiller, mais constatant qu'il ne pouvait reprendre conscience, ils ôtèrent la chevalière de son doigt et partirent immédiatement à médine pour informer `othmân de la conduite d'al-walid et de son alcoolisme manifeste. `othmân demanda à abû jundab et abû zaynab comment ils apprirent qu'il avait bu du vin. présentant la chevalière comme preuve, ils lui dirent: «il a bu le même vin que nous avions l'habitude de boire pendant l'epoque de l'ignorance (pré-islamique). au lieu d'écouter le reste de leur rapport, `othmân les blâma et les poussa par leur poitrines en leur disant: «allez-vous-en». le groupe de kûfites retourna sans tarder à kûfa. d'après "ta'rîkh abul-fidâ", `othmân démit `amr ibn al-`Âç de son poste de gouverneur d'egypte pour nommer à sa place, son frère de lait, sa`d ibn abî sarh, celui-là même dont l'assassinat avait été autorisé par le prophète le jour de la conquête de la mecque. selon "ta'rîkh al-kâmil", `othmân accomplit le hajj (le pèlerinage de la mecque) avec les gens, en l'an 26 de l'hégire. marwân ibn al-hakam cité dans "musnad abû dawûd tiâlîsî" raconte à ce propos: «j'ai vu `othmân et `ali pendant le pèlerinage. `othmân interdisait aux gens d'accomplir le rite de mut`at al-hajj (le fait d'accomplir en même temps le hajj [le pèlerinage majeur] et la `umrah [le pèlerinage mineur]. en guise d'objection, `ali récita alors le tahlîl (lâ ilâha illallâh) de hajj et de `umrah ensemble en précisant: «je suis là pour accomplir le hajj et la `umrah en même temps». `othmân lui dit: «o `ali! tu fais ce que j'ai interdit aux gens de faire». `ali lui répondit: «personne ne me fera abandonner une tradition du prophète» (ce hadith est cité dans "Çahîh al-bûkhâri" également).
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