ABU ZHAR AL GHIFARIil ne fait pas de doute qu'abû zar avait atteint le plus haut degré de la sincérité et de la fidélité aux engagements pris. il avait dans la mémoire, jusqu'au dernier moment de sa vie, la promesse, qu'il avait faite au saint prophète, de dire la vérité sans se soucier d'aucun reproche. châh waliyyollâh dehlavî écrit que le saint prophète avait l'habitude de prendre aux gens le serment d'allégeance de différentes sortes, c'est-à -dire qu'il leur demandait de promettre de participer au jihâd, de renoncer à l'innovation, d'établir les lois islamiques, de dire la vérité etc. ("chifâ' al-`alîl"). le serment qu'il avait pris d'abû zar était de dire la vérité. abû zar agira, conformément à cet engagement, après avoir pris pleinement conscience de toutes ses implications. comment, par ailleurs, aurait-il pu faire autrement, alors qu'il avait acquis la conviction absolue que tout ce qu'il faisait était totalement conforme à la volonté d'allah et aux intentions du saint prophète(127). ce faisant, il ne craignit jamais ni la terreur du gouvernement ni les ennuis qu'il risquait. il endura toutes sortes d'oppression et supporta toutes les exations, mais ne renonça jamais à dire la vérité, jusqu'à ce qu'il fût banni deux fois. son dernier exil fut d'une sévérité incomparable. il fut assigné à résidence dans un désert aride, ayant pour tout refuge et foyer un arbre sous lequel il passait ses journées et ses nuits. le sol était son lit et les feuilles de l'arbre son toit. mais avec son courage indéfectible et sa détermination sans limite, abû tharr sut supporter toutes les difficultés de la satisfaction par amour pour d'allah. sa femme et son fils étant décédés sous ses yeux et dans ce lieu inhospitalier, il attendait, résigné, que son tour arrivât pour les rejoindre et quitter ce monde où il souffrait le martyre. en attendant, il assistait, impuissant, à la solitude de sa jeune fille, perdue dans un désert hostile, affligée par la disparition de sa mère et de son frère et angoissée par la condition de son père vieillissant. les derniers jours de la vie d'abû zar s'approchèrent. il les passait en prières, alors que les signes de la mort marquaient ses traits, sa fille le contemplait, désarmée et angoissée. son père mourait et elle ne pouvait rien faire pour le sauver ou tout au moins le soulager. il était dur pour une fille à qui, il ne restait dans le monde qu'un seul être envers lequel elle éprouvait un immense amour, de croiser les bras et d'attendre sa mort. nous reproduisons ci-après le récit de la mort d'abû zar tel qu'il fut raconté par sa fille(128) , et tel qu'il est rapporté par al-`allâmah al-majlicî: «nous passions les jours avec des souffrances indicibles dans le désert. il nous est arrivé, un jour, de n'avoir rien à manger. nous avions beau chercher autour de nous, nous n'avons rien trouvé. mon père, bien que très malade et souffrant m'a dit: «ma fille! pourquoi es-tu si angoissée aujourd'hui?». j'ai répondu: «papa! j'ai très faim, et la faiblesse s'est emparée de toi aussi à cause de la faim extrême. j'ai fait tout ce que je pouvais pour obtenir quelque chose à manger, mais je n'ai rien trouvé qui puisse me faire honneur devant toi». abû zar m'a rassurée: «ne t'en fais pas! allah est le grand pourvoyeur de nos besoins». j'ai dit: «papa! ce que tu dis est vrai, mais il n'y a rien en vue pour la satisfaction de nos besoins pressants». il m'a demandé: «o ma fille! tiens-moi par l'épaule et allons vers telle et telle autre directions. peut-être y trouverons-nous quelque chose». je l'ai pris par la main et nous nous sommes mis à marcher dans la direction qu'il m'avait indiquée. chemin faisant, il m'a demandé de le faire s'asseoir sur le sable brûlant. il a amassé un peu de sable en guise d'oreiller, y posa la tête et s'allongea par terre. «dès qu'il s'est allongé à même le sol, ses yeux ont commencé à tourner et les signes de l'agonie se sont manifestés. en le voyant dans cet état, je me suis mise à crier d'une voix enrouée. mon père s'est efforcé alors de se contrôler et m'a dit: «pourquoi cries-tu ainsi, ma fille?». j'ai demandé: «mais que puis-je faire d'autre, père? l'immense désert silencieux nous entoure et je ne vois aucun homme dans cette étendue. je n'ai pas de linceul pour t'envelopper et il n'y a pas de fossoyeur ici. que ferai-je si tu rends ton dernier soupir dans cet endroit désolé?». «il a pleuré en me voyant ainsi sans ressources et m'a dit: «ne sois pas inquiète. mon ami (= le saint prophète) pour l'amour duquel et de sa famille j'ai enduré toutes ces difficultés m'avait informé d'avance sur ce qui va m'arriver. ecoute! o ma chère fille! il avait dit devant un groupe de ses compagnons, à l'occasion de la bataille de tabûk que l'un d'eux mourrait dans le désert et qu'un groupe de croyants y iraient pour s'occuper de ses funérailles et de son enterrement. maintenant, aucun d'entre eux(129) n'est encore vivant, excepté moi. ils sont tous morts dans des lieux peuplés. je suis donc le seul survivant du groupe et je me trouve de plus dans un désert plat en train d'agoniser. ma charmante fille! lorsque je serai mort, couvre-moi avec un voile et assieds-toi sur la route menant vers l'irak. un groupe de croyants passeront par cette route. informe-les qu'abû zar, le compagnon du prophète est mort et demande-leur de s'occuper de mon enterrement». «alors qu'il me parlait ainsi, l'ange de la mort lui est apparu. lorsque mon père le vit, son visage s'est empourpré et il dit: «o ange de la mort! où étais-tu jusqu'à maintenant? je t'attendais. o mon ami! tu es venu à un moment où j'ai un grand besoin de toi. o ange de la mort! que celui qui n'est pas heureux de te voir ne connaisse jamais la délivrance. pour l'amour d'allah! prends-moi vite vers allah le plus miséricordieux pour que je sois délivré des souffrances de ce monde».
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