ABU ZHAR AL GHIFARI



«le fils d'adam dit: "mes biens! mes biens!" mais votre bien est ce que vous avez déjà mangé, porté, ou ce que vous avez déjà donné en charité, c'est-à-dire ce qui est déjà porté à votre crédit. allah a interdit de thésauriser la richesse. le prophète a dit: "malheur, malheur à l'or et à l'argent". le butin est la propriété (le droit) de tous les musulmans, mais mu`âwiyeh le réserve pour ses serviteurs, ses gardes, sa pompe et sa parade. il a oublié qu'il a droit à deux vêtements seulement du trésor public, l'un pour l'hiver, l'autre pour l'été, ainsi qu'à ses dépenses pour le hajj (le pèlerinage majeur) et la `umrah (pèlerinage mineur), et pour sa subsistance et celle de sa famille, calculée sur le niveau de vie du quraychite moyen. le butin doit être distribué à tous les musulmans pauvres. mais hélas! aujourd'hui le butin est dépensé pour l'acquisition de grands terrains et la construction de palaces dont la seule décoration coûte des milliers de dinars, alors que les musulmans pauvres, les vrais ayants droit du butin sont totalement négligés».

un homme murmura dans l'oreille d'abû zar: «fais attention! qu'est-ce que tu dis à propos de mu`âwiyeh? ne le crains-tu pas?».

abû zar lui répondit: «mon ami (le saint prophète) m'avait conseillé de dire la vérité, même si elle est très amère, et de ne pas me soucier des reproches de ceux qui ont l'habitude de reprocher tant que je suis sur le droit chemin. je prie allah de me protéger contre la lâcheté, la mesquinerie et le châtiment». et abû zar d'ajouter: «les gens préparent maintenant une diversité et une multitude de plats, pour chercher par la suite des médicaments qui les aideraient à digérer ce qu'ils mangent, alors que notre prophète n'a mangé en aucun jour et jusqu'à sa mort deux plats en même temps. lorsqu'il mangeait des dattes, il ne mangeait pas de pain. les membres élus de la famille du saint prophète n'ont jamais mangé à satiété, même pas de pain d'orge, pendant trois jours consécutifs, jusqu'à leur mort. il arrivait parfois que dans la maison du prophète on n'allumait pas de feu, on ne faisait ni pain ni d'autres plats cuisinés pendant tout un mois».

un homme demanda: «qui peut rester vivant sans manger?. abû zar répondit: «le saint prophète mangeait des dattes et buvait de l'eau. il a dit que personne ne remplit un aussi mauvais récipient que le ventre. quelques bouchées suffisent pour survivre. s'il faut manger absolument, faites en sorte qu'un tiers du ventre soit réservé à la nourriture, un tiers à l'eau et le troisième tiers à l'air. le prophète nous a conseillé de nous abstenir de manger à satiété, car cela conduirait à la paresse, abîme le corps et entraîne des maladies. soyez modérés dans la consommation des aliments, cela vous éviterait la prodigalité, renforcerait votre corps et vous aiderait à mieux accomplir vos actes d'adoration. le prophète n'a jamais stocké ni accumulé de nourriture. au contraire, il avait l'habitude d'offrir en charité tout ce qu'il obtenait de sorte qu'il ne reste rien pour lui excédant ce qu'il avait besoin de manger, et ce, sans parler du trésor public dans lequel il ne laissait rien et donnait tout, y compris sa part légale, dans le chemin d'allah».

les aristocrates et les nantis en appelèrent à mu`âwiyeh et se plaignirent auprès de lui de la mauvaise publicité qu'abû zar faisait contre eux. mu`âwiyeh convoqua abû zar, et prit la ferme résolution de mettre fin à cette menace qui avait ébranlé la fondation de son gouvernement et frustré ses espoirs.

abû zar se présenta à la cour de mu`âwiyeh, aussi maigre qu'il l'était toujours. les signes de détermination et de fermeté étaient manifestes sur le visage rond et fauve de mu`âwiyeh. il se leva pour accueillir abû zar et lui fit place à ses côtés, puis il appela les domestiques pour servir la table. la nappe fut étalée et des plats délicieux qui mettaient l'eau à la bouche furent servis.

mu`âwiyeh invita abû zar à commencer: «je t'en prie!» abû zar déclina l'invitation et dit: «je mange chaque semaine deux kilos d'orges. telle est mon régime alimentaire depuis l'époque du saint prophète. par allah, je ne changerai pas ce régime jusqu'à ce que je le rejoigne». puis regardant mu`âwiyeh, il lui dit: «quant à toi, tu as changé ton alimentation. la nourriture qu'on te prépare maintenant n'est pas la même qu'on te préparait auparavant. le pain qu'on te fait cuire est fait avec une farine fine, tu as plusieurs plats sur une même nappe, et tu porte une paire de vêtements le matin et une autre le soir. tu n'étais pas ainsi du vivant du prophète, où ta condition de vie n'était pas meilleure que celle d'un homme pauvre»(49).

puis la discussion suivante s'engagea entre les deux hommes:

- mu`âwiyeh: «abû zar! mes fonctionnaires se plaignent de toi. ils disent que tu incites les pauvres contre eux».

- abû zar: «je les préviens contre la thésaurisation, c'est tout».»



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