ABU ZHAR AL GHIFARI



a cette menace de mort, abû zar répliqua: «les `omayyades me menace de pauvreté et de mort. qu'ils sachent que la pauvreté m'est préférable à la richesse et que j'aime mieux être sous la terre que sur la terre. je ne saurais être intimidé ni par la menace de mort ni par la mort elle-même».

al-`allâmah al-majlici, citant cheikh al-mufîd, écrit que les syriens dirent à propos des célèbres discours d'abû zar: «lorsque `othmân avait exilé abû tharr de médine et l'avait envoyé en syrie, ce dernier a élu résidence parmi nous, et il ne tarda pas à prononcer une série de discours qui nous ont beaucoup remués. il avait l'habitude de commencer ses prêches par des louanges faites à allah et au prophète, pour dire ensuite:

«l'amour de la famille du prophète est obligatoire. celui qui n'a pas d'amour pour elle ne pourra même pas sentir le parfum du paradis. o gens! ecoutez-moi! j'avais l'habitude d'honorer mes engagements avant d'embrasser l'islam, pendant l'epoque préislamique, avant la révélation du coran et avant la nomination du prophète. je disais toujours la vérité, traitais mes voisins avec amabilité, considérais l'hospitalité comme un devoir, étais généreux avec les pauvres avec lesquels je partageais mes gains. lorsque par la suite allah a révélé son livre et nommé son prophète, je me suis enquis de cet avènement, et j'ai découvert que les mêmes usages et coutumes qui avaient été les nôtres, se trouvaient également dans les exhortations du prophète. o gens! il est dans l'intérêt des musulmans de se doter de bonnes moeurs. il est vrai que les musulmans s'étaient conformés aux préceptes de l'islam, mais cette attitude positive n'a duré que peu de temps. car les tyrans n'ont pas tardé à se livrer à des agissements tellement condamnables que nous n'avions jamais connus avant. ces gens ont détruit les traditions du prophète, introduit des innovations étrangères à l'islam, contredit tous ceux qui disaient la vérité, rejoint les méchants et abandonné l'élite pieuse et méritante.

»o allah! arrache mon âme si tu as pour moi quelque chose de mieux que ce qu'il y a dans ce monde, avant que je ne déforme ta religion ou que je ne modifie les traditions de ton prophète.

»o gens! attachez-vous à l'adoration d'allah et renoncez aux péchés». puis il a décrit les mérites d'ahl-ul-bayt, tels qu'il les avait entendus de la bouche du prophète et il a appelé les syriens à rester fidèles aux membres elus de la famille du prophète.

les syriens dirent qu'ils écoutaient attentivement les discours d'abû zar et que la foule se rassemblait toujours autour de lui lorsqu'il prononçait ses sermons, et ce jusqu'à ce que mu`âwiyeh alertât `othmân de ce qui se passait. ce dernier n'avait d'autre choix, par conséquent, que ramener abû zar à médine. selon les histoirens et les "traditionnistes"(45), pour acheter le silence d'abû zar, avant de décider de faire appel à `othmân, mu`âwiyeh lui avait envoyé par un émissaire spécial un sac de trois cents dinars or. en voyant tout cet argent, il dit à l'émissaire de mu`âwiyeh: «dis à mu`âwiyeh que je n'ai pas besoin de son argent et retourne-lui le sac.»(46)

pour comprendre l'attitude d'abû zar envers le pouvoir, il faut toujours se rappeler qu'il était l'incarnation de la fidélité à la mémoire et aux traditions du prophète. le messager d'allah lui avait dispensé tellement d'enseignements et fait tellement de recommandations qu'il ne supportait pas de voir ces enseignements, ces traditions et ces recommandations foulés aux pieds après la mort du prophète. de plus, par tempérament abû zar ne pouvait jamais se résigner à se taire lorsqu'il voyait que la vérité était bafouée. or, depuis le décès du prophète il assistait à l'éloignement des ahl-ul-bayt de la scène politique et du pouvoir, et au mauvais traitement auquel ils étaient soumis, malgré toutes les recommandations du prophète à leur propos et à propos de leurs mérites inégalables, et de la haute position qu'ils devaient occuper normalement. il avait au début consenti à se taire tant que les principes généraux de l'etat islamique n'étaient pas ouvertement et franchement violés. mais avec l'avènement du califat de `othmân, lequel confia les rênes du pouvoir à des gens qui n'étaient pas très imprégnés de l'esprit de l'islam, et qui se préoccupaient plus de s'emparer du pouvoir et d'amasser la richesse que de se soucier du respect des principes islamiques, il ne pouvait pas se taire plus longtemps. il se mit tout d'abord à dénoncer avec candeur la thésaurisation, sachant parfaitement à quoi devait servir le trésor public, et ayant clairement compris l'objectif du coran, et ayant pu observer minutieusement le mode de vie du prophète et des ahl-ul-bayt. lorsqu'il constata que la conduite de ceux qui dirigeaient l'etat islamique contrastait avec celle du prophète et des ahl-ul-bayt, il ne put plus garder son sang froid, retenir sa langue et empêcher la colère qui bouillonnait depuis longtemps dans son coeur, de s'exprimer par sa langue. il voyait que les fortunes s'étaient multipliées plusieurs fois et au-delà de tout ce qu'on pouvait imaginer. il remarquait que le népotisme et le favoritisme avaient atteint leurs extrêmes limites et que les richesses du trésor public étaient allouées aux proches, aux amis et aux partisans des gouvernants au lieu d'être distribuées, comme l'islam le commandait, aux pauvres et aux gens qui les méritaient, sans aucune discrimination. il s'était donc mis, conformément à l'engagement qu'il avait pris devant le prophète, de dire et de défendre la vérité, à objecter à la conduite du pouvoir et à critiquer ceux qui étaient responsables de ces innovations contraires aux préceptes de l'islam. c'est ce qui lui valut d'être déporté en syrie. mais là, il fut ahuri en voyant les innovations, la recherche de la pompe, du luxe et de la somptuosité, dépasser même le mode de vie de césar et de khusroe.

là encore, son engagement devant le prophète et son sens du devoir religieux le conduisirent à recommencer ses critiques du pouvoir, et à faire ses sermons. comme à médine, il commençait en syrie aussi, ses prêches par la lecture du verset coranique qui dénonce la thésaurisation: «o prophète! annonce un châtiment douloureux à ceux qui thésaurisent l'or et l'argent sans rien dépenser dans le chemin d'allah; le jour où ces métaux seront portés à incandescence dans le feu de la géhenne et qu'ils serviront à marquer leurs fronts, leurs flancs et leurs dos: "voici ce que vous thésaurisiez; goûtez ce que vous thésaurisiez"». (sourate al-tawbah, 9:34)

les histoirens et les rapporteurs de hadith relatent que lors de l'un de ses discours prononcé devant la foule en syrie, abû zar dit: «par allah! je vois que la vérité est en train de disparaître, le faux en train de s'épanouir, les gens véridiques en train d'être contredits, et l'égoïsme en train de l'emporter sur la piété».(47)

et abû zar d'ajouter: «l'or et l'argent seront transformés en flammes qui entoureront ceux qui les gardent enfermés, jusqu'à ce qu'ils les dépensent dans le chemin d'allah». soulignant ce point, il insista: «des lames chauffées au feu de l'enfer seront placées sur les poitrines de ceux qui collectent l'or et l'argent, jusqu'à ce qu'elles transpercent leur côtes et leurs omoplates».(48)

selon l'écrivain égyptien `abdul-hamîd, lorsqu'abû zar se rendit par la suite au masjid, les gens se rassemblèrent autour de lui. il fit alors à leur adresse le discours suivant: «dépensez ce qu'allah vous a donné. assurez-vous que la vie de ce monde ne vous déçoive. consacrez une partie de vos biens, comme un droit, aux démunis. car le prophète a dit que "la soif de l'abondance vous a fait tomber dans l'oubli".



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