ABU ZHAR AL GHIFARInous avons jusqu'ici jeté la lumière brièvement sur les écarts de `othmân par rapport à ses deux prédécesseurs et par rapports aux principes de l'etat islamique, tels qu'ils avaient été enseignés et appliqués par le saint prophète. nous avons noté comment, abû zar voyant `othmân s'évertuer à allouer l'argent des musulmans à ses proches parents aux dépens des pauvres, fut conduit, à la fois par sa ferveur religieuse et par sa fidélité aux enseignements du saint prophète, à élever la voix contre la déviation et à dénoncer les pratiques du 3e calife, qu'il jugeait contraires aux préceptes de la religion. nous avons vu aussi, que bien qu'abû zar, en agissant ainsi, n'ait fait qu'appliquer l'un des fondements de l'islam: «commander le bien et interdire le mal», il fut persécuté et déporté en syrie puis ramené à médine d'une façon horrible. si, malgré tous les avertissements qu'il reçut de `othmân et de mu`âwiyeh et de toute la répression qu'il en subit, il persista à dénoncer les pratiques de ce gouvernement, c'est parce qu'il était un homme de principe et très attaché au respect de la promesse qu'il avait faite au prophète, de dire toujours la vérité sans craindre aucun pouvoir et sans se soucier de tout blâme d'où qu'il viendrait. qu'il fût devant la plus haute autorité ou devant le commun des mortels, il n'hésitait pas à dire la vérité de la même façon. dire la vérité, c'est cela qui comptait pour lui, et il la disait indifféremment dans la rue, le marché, le masjid ou la cour. maintenant, nous allons détailler un peu plus la façon dont `othmân avait ouvert le trésor public, propriété de tous les musulmans, à ses proches et amis et quelles énormes fortunes ceux-ci purent, de cette façon, accumuler. dans les pages suivantes nous verrons d'après les faits présentés, comment des compagnons, fidèles aux traditions et enseignements du prophète tels que `ali, abû zar, salmân al-fârecî, al-miqdâd et `ammâr ibn yâcer pouvaient difficilement tolérer cette situation inacceptable. car après tout, même écartés du pouvoir, eux aussi avaient des obligations envers l'islam. de là , leur réaction contre les pratiques du gouvernement en place. ci-après quelques exemples des largesses de `othmân envers ses proches, et de son népotisme. mais avant de citer ces exemples, il est opportun d'expliquer comment l'idée de favoriser les omayyades était venue à son esprit et comment il dépassa les limites dans ce favoritisme. ibn `asâkir, un histoiren et commentateur (du 2e siècle de l'hégire, probablement) écrit à ce propos: «selon le récit d'anas ibn mâlik, un jour abû sufiyân ibn harb, qui était devenu aveugle, vint voir `othmân et après s'être assuré auprès de ses compagnons qu'il n'y avait personne d'autre avec le calife, dit: "o `othmân! fais de cet etat islamique un etat pré-islamique (jahilite)"». il n'est pas étonnant qu'abû sufiyân exprima ce désir pré-islamique, car on sait jusqu'au moment de la conquête de la mecque. il avait été à la tête des ennemis les plus farouches et les irréductibles du prophète et de l'islam. il n'était devenu musulman que contraint et forcé, une fois la mecque conquise. par ailleurs après cette conquête, tous ceux qui avaient combattu l'islam jusqu'au dernier moment devaient en principe passer par les armes, mais le saint prophète les fit bénéficier d'une amnistie générale, pour vivre en paix au sein de l'islam. c'est pourquoi on les appela les amnistiés (tulaqâ'). on les désigna aussi par le terme "al-mu'allafah qulûbuhum" (les coeurs à rallier), car, le prophète sachant que ces gens avaient accepté l'islam, contraints et forcés, et que dans leurs coeurs, ils restaient obscurantiste (pré-islamiques, jâhilites) et hostiles à la religion, leur donnait des allocations dans l'espoir de rallier leur coeur à l'islam, ou tout au moins, de les neutraliser et de modérer leur haine enfouie de l'islam. `othmân fut vraisemblablement favorable à la suggestion d'abû sufiyân. aussi se mettait-il à appuyer pleinement les omayyades, et les tulaqâ', ne leur refusant rien, leur permettant de s'enrichir considérablement, leur confiant les postes-clé de l'etat, tout en écartant et réprimant en même temps ceux qui devaient diriger légitimement et légalement la nation musulmane. ces derniers se tournèrent alors tout naturellement vers `ali et sa progéniture. `othmân toujours inspiré par la suggestion d'abû sufiyân leur réserva un traitement inqualifiable. d'après de nombreux histoirens et de récits historiques dignes de foi,(66) la veille de la mort d'umm kulthûm, son épouse, `othmân fit ses noces avec une autre femme, tout simplement parce qu'elle était une parente du prophète, sans se soucier de l'agonie de son épouse mourante. afin d'expliquer les raisons pour lesquelles les musulmans devinrent de plus en plus opposés et hostiles à `othmân, les histoirens citent une série d'arguments. il y a tout d'abord le fait que le 3e calife donna le terrain de fadak - propriété de fâtimah al-zahrâ' dont elle avait été dépossédée sous le califat d'abû bakr - à marwân ibn al-hakam, une personnalité maudite par le prophète et détestée de ce fait par les compagnons pieux. fadak demeura la propriété de marwân et de ses descendants jusqu'au califat de `omar ibn `abdul-`azîz, celui-ci le rendra à ses propriétaires légitimes et originels, les descendants de fâtimah, les ahl-ul-bayt.(67)
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