JAMAIS SANS L'ISLAMl'un des candidats me proposa de faire campagne en faveur de son parti politique en échange d'une somme d'argent en guise d'acompte et d'un travail stable dans le cas où il l'emporterait sur son concurrent. je n'ai pas hésité une seconde à refuser son offre car je ne cherchais pas qu'une vie décente ici-bas; si c'en avait été le cas, j'aurais accepté quelque compromis boiteux avec la mère des enfants. comment pourrait accepter ce genre de marchandage l'homme qui voudrait asservir la vie à la vérité et non l'inverse, l'homme qui laissa derrière lui fortune et renommée pour faire triompher, dans un coin de la terre, chez une petite famille de la grande société humaine, le bien contre le mal, la vertu contre le vice et la paix de l'âme contre la misère spirituelle? j'allais de boulevard en rue et de rue en boulevard sans cesser de m'étonner devant les différents actes de la campagne électorale qui jetait par terre, avec les feuilles, les photos et les couleurs des partis, les sentiments des uns et les idées des autres . cette campagne qui vidait les poches et les bouches sans remplir les coeurs et les esprits, colorait les murs, les routes, les voitures et les têtes des jeunes chômeurs prêts à se battre pour un mirage contre leurs frères qui portaient des couleurs différentes. quand tu entendais parler les candidats à l'assemblée nationale, tu te sentirais malgré toi, porté à croire au père noël. quand tu demandais leur avis aux électeurs des différentes catégories sociales tu ne découvriras que dégoût et pessimisme. l'irrespect des gens à l'égard de ces élections était apparent dans les conditions piteuses dans lesquelles se trouvaient les programmes démagogiques des parties et les couleurs et les photos de leurs candidats: on les foulait des pieds, la boue les couvrait, les marchands ambulants les utilisaient pour emballer leurs marchandises d'un sou, les mendiantes les ramassaient pour essuyer la morve de leurs bébés affamés et en haillons et les passagers les utilisaient comme papier hygiéniques dans les toilettes publiques... j'étais convaincu que le maroc évoluait et, tôt ou tard, rejoindrait le rang des pays modernes mais les maladies sociales telles l'insouciance, la corruption et la cupidité ne cessaient de ronger le peuple et de compromettre ainsi son avenir. les institutions de démocratie et d'industrialisation seraient creuses et néfastes si elles n'étaient pas accompagnées de valeurs sublimes telles l'équité, l'égalité des chances, le respect des lois et des droits, l'altruisme, la spiritualisation des rapports humains et sociaux et l'autocritique. sinon, quel progrès pouvait-on attendre des hommes capables de vendre leur voix et leur soutien politique à quiconque paierait cent dirhams, un dîner copieux, une bouteille de vin ou de limonade, voire dix dirhams seulement dans certains quartiers déshérités? quel progrès pouvait-on attendre des hommes qui, tout en sachant que leur proche parent candidat aux élections était ignorant, médiocre et incapable de porter le fardeau de la responsabilité, continuaient de le soutenir par l'argent et par l'intimidation contre un rival plus compétent. comme le veau d'or qui s'introduisit dans les coeurs des juifs, la corruption et le faux témoignage s'emparèrent des coeurs arabes aux différents échelons de leurs sociétés. il y avait, néanmoins, un niveau des élections, une autre cause peut-être plus profonde à ce laisser-aller incroyable qui caractérisait la participation du peuple aux élections. la plupart des citoyens répétaient que les candidats qui les courtisaient avant le scrutin, dès qu'ils arrivèrent à leur fin, oublièrent, comme dans une amnésie totale leurs noms, leurs adresses et leurs quartiers. une logique simple et primitive imposait que ces électeurs se feraient payer d'avance avant d'aller jouer le jeu dans les urnes. si pour le pays, il s'agissait de faire des sacrifices présents pour garantir un avenir plus solide et plus décent pour la prospérité, pour eux la devise était claire: "l'œuf d'aujourd'hui vaut mieux que la poule promise pour demain." les uns et les autres continuaient d'ignorer la vérité selon laquelle quiconque n'avançait pas ne faisait que reculer et enfonçaient ainsi les clous de la décadence dans le corps de leur communauté. dans un meeting électoral, l'un des candidats n'avait-il pas dit aux électeurs: "accordez moi votre confiance et vous verrez que cette fois je défendrai vos intérêts après n'avoir défendu et assuré que les miens pendant ma première candidature! si vous votez pour mon concurrent un tel qui n'a jamais été élu, sachez qu'il est encore affamé et qu'il ne pensera d'abord qu'à lui- même!"
|