JAMAIS SANS L'ISLAM



comme pour te souhaiter la bienvenue, quand tu achèves la montée des trois km qui séparent l'axe sefrou-skoura de la zawiya, celle-ci t'envoie son air pour caresser ton visage, essuyer ta sueur, laver tes poumons et renouveler ton appétit.

si tu as soif, tu n'auras que l'embarras du choix devant les innombrables sources du village. celles-ci portent les noms des lieux où elles ont jailli ou des personnes qui l'ont découvertes et travaillées. ainsi il y a aïn (source) matmar, aïn kharrouba, aïn rakna, aïn zerrab, aïn roummana, aïn mjlbna, aïn zitouna, aïn al bida, aïn sidi slimane en plus des deux nouvelles sources portant le nom de l'auteur de ce livre. je les ai découvertes et travaillées moi-même-, la première tout près de la maison, alimente la famille en eau, l'autre à moins de cent mètres de la résidence, sert à irriguer les arbres du verger et à remplir une sorte de piscine très appréciée par mes enfants et les jeunes du village.

si les visiteurs du village ne voient presque pas de différence entre les eaux de ces sources, fraîches l'été, un peu tièdes l'hiver, les habitants, eux, te conseillent de boire de telle source plutôt que d'une telle autre selon que tu cherches douceur, fraîcheur, bénédiction ou bienfait médical . excepté les vallées fertiles et propices à la culture potagère la terre de notre village convient plutôt à la, plantation des vergers.

le mot touffahat signifie: pommes ou pommiers, les ancêtres y avaient-ils goûté à la délicieuse ou au golden avant que leur préférence n'allât vers l'olivier et le figuier ?

les rapports entre les villageois et leur forêt sont passionnels: elle les aime si tendrement qu'elle les entoure de ses bras pour les protéger des vicissitudes du temps mais grignote aussi leurs champs et pénètre dans leur jardins. eux, ils trouvent en son sein tranquillité et pâturages, matériaux de construction, bois de chauffage, coins giboyeux et paysages inédits. mais ne pouvant pas vivre que d'amour et d'eau fraîche, les villageois déboisent et élargissent leurs champs arables au dépens de leur bien-aimée qui, comme l'héroïne du poète, souffre, se révolte puis cède et se sacrifie pour son amant passionné et sadique.

a l'ouest du centre du village, plus proche de la montagne, sur un tertre de terre rouge, se trouve notre demeure familiale qu'entourent des oliviers, des figuiers, des pommiers et d'autres jeunes arbres fruitiers que nous avons plantés à proximité d'un réservoir d'eau de onze mètres de longueur sur un mètre de profondeur, qu'aliment jour et nuit le filet d'eau permanent de la première source d'eau privée de notre propriété. ce bassin d'eau, en raison de sa proximité et du renouvellement perpétuel de son eau limpide sert aussi de piscine pour les enfants et, occasionnellement pour les oies et les canards qui échappent de la basse-cour adjacente à la maison.

les quelques mètres qui séparent la source d'eau de la maison ne suffisent pas à empêcher le murmure de son eau d'arriver, dans le silence de la nuit, à nos oreilles dormantes surtout à l'aube quand les corps retrouvent leur repos et les sens leur aptitude à capter le message du zéphyr, des branches d'arbres et des ruisseaux qui amènent très tôt aux vergers du village, les eaux de ain mjibna et aïn zerrab.

malgré le long voyage effectué par les enfants et la fatigue qui s'ensuit naturellement, ils se sont réveillés aussi tôt le matin que leur père. ce dernier fit le muezzin et appela à la prière les occupants de la maison. les enfants demandèrent alors l'explication de cet appel qu'ils disaient ne pas ignorer tout à fait. je répondis que c'était la parole "divine" que j'avais soufflée, à leur naissance, dans l'oreille droite de chacun d'eux pour permettre à leurs esprits et à leurs mémoires de se rappeler en premier l'ordre d'allah, qui ne manquait pas de se mêler à leurs cœurs et à leur sang.

il fallait les voir prendre leur bouilloire pour faire leurs ablutions et se préparer à la prière derrière leur père dans la petite mosquée de la maison. leurs beaux visages et leurs mains et bras qu'allaient salir le vice et la drogue se remplissent désormais d'eau bénite et se dirigent vers le centre de l'univers, la mecque dans un ordre et une douceur indescriptibles. enfants, ils le font peut-être pour me faire plaisir mais plus tard, ils comprendront la valeur hautement spirituelle de leurs gestes et de leurs habitudes. soumaya et mahdi comprennent déjà que c'était sûrement quelque chose de très important qui incita leur père à se réveiller à l'aube alors que les étoiles brillaient encore dans le ciel.

après le petit déjeuner, les enfants sortirent de la maison à pas feutrés comme s'ils étaient toujours à bruxelles où ils n'allaient et venaient que sur ordre formel et ne pouvaient dépasser le seuil de la porte qu'avec attention et en compagnie d'un adulte afin de ne pas se faire écraser par un chauffard ou se faire enlever par un maniaque. quand je vis leur hésitation à s'en aller dans les jardins et les champs des alentours, je leur dis en arabe puis en français :



back 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 next