JAMAIS SANS L'ISLAMils sont bien, merci madame, répondis-je embarrassé. le lendemain, au retour de mon travail, je n'ai pas trouvé cette femme devant son jardin mais bien chez moi en train de partager un gâteau aux enfants à qui elle avait apporté aussi du lait. la première crainte qui m'effleura l'instinct de conservation était que cette femme fût une espionne à la solde de mes persécuteurs. les événements ultérieurs montreraient que cette crainte était infondée et que la jeune femme ne cherchait apparemment que le commerce de chair ou seulement le plaisir d'écraser sous son charme et ses pieds tout homme croyant qui la défiait par sa pudeur et sa résistance. ni les regards venimeux qu'elle lançait, ni les belles paroles qu'elle me faisait entendre, ni les gâteaux qu'elle offrait aux enfants ne pouvaient fléchir le caractère intransigeant d'un coeur aussi pieux qu'endurci par les épreuves de la vie. celles-ci, comme des flèches avaient piqué dans les côtés et recoins de mon coeur de telle manière que ce dernier ne pourrait plus en recevoir. cependant, il ne s'en plaignait point en raison de la foi et de l'espoir qui l'animaient et le poussaient à plus de courage et de résistance. néanmoins, étant poète, je ne pouvais m'empêcher de me répéter le vers de moutanabbi décrivant la fièvre nocturne qui venait s'ajouter aux dures épreuves qu'il traversait:
"Ô fille du sort! d'autres filles que toi se bousculent pour m'accabler! comment as-tu pu alors arriver dans cette affluence jusqu'à moi?". un jour, au retour à la maison, comme le lumière du seul lampadaire public de notre rue était éteinte, je marchais lentement dans la pénombre quand, au tournant, la dame aux gâteaux s'interposa au milieu du chemin. voyant que je cherchais une issue à droite ou à gauche, elle lança sa main pour tenir la mienne. Écoute lui dis-je alors, je suis un homme marié et père des enfants que tu as vus. que veux-tu alors d'un homme âgé et sans argent? elle répondit par des paroles futiles que ce livre ne gagnerait rien à rapporter. finalement, la seule issue possible était de lui dire (sans mensonge de ma part): demain, à la même heure, tu seras-ici! et sans lui laisser le temps de me faire jurer, je m'inclinai en guise de salutation et m'éloignai avec l'intention de m'en aller ailleurs pour respirer un air plus pur. seigneur! dis-je, le travail est dur et loin, des fenêtres arrachées, le froid, un voleur le matin, une vicieuse le soir, hier, une sultana, aujourd'hui une satanée! si tu es content de moi, je me moque alors de ces épreuves. "seigneur! mon honneur est d'être ton esclave, ma fierté est que tu sois mon maître, tu es comme j'aime, fais alors que je sois comme tu aimes!".
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