JAMAIS SANS L'ISLAMsachant que leur mère c'était elle même fait kidnapper par un trafiquant de drogue et qu'elle était, par conséquent, incapable de veiller à la sécurité de ses enfants, j'errais souvent loin de chez moi à la recherche de la paix perdue, délirant ou balbutiant le même verset coranique dont la récitation est préconisée par la tradition pour ce genre de situations: "nulle "divinité" excepté toi, 0 allah! gloire à toi; je fus, certes, parmi les injustes " ainsi, j'ai beaucoup pleuré sur le sort de loubna benaïssa bien avant la découverte de sa dépouille et peut-être plus que ne le firent les personnes que son drame avait vexées ou émues en belgique et ailleurs. a travers elle, j'ai pleuré aussi les autres enfants innocents, notamment les miens, otages que les autorités publiques ne cherchaient pas à libérer et victimes de mauvais traitements couverts par la loi et l'ordre publie. en pleurant sur le sort de loubna benaïssa, je me rendis compte qu'à l'instar de ces enfants kidnappés et exploités, des communautés tout entières, des pays et des peuples, se faisaient, tour à tour, kidnapper et violer sous une forme ou sous une autre et allaient sans le savoir vers la désintégration de leurs corps et l'évaporation de leur âme. un jour, je me révoltai contre mon inertie et ma torpeur et décidai de faire quelque chose pour ces enfants qui n'attendaient de secours qu'allah puis de moi-même. je me dis pourtant qu'il ne fallait surtout pas me précipiter sur les solutions les plus faciles et qu'il fallait d'abord tenter une dernière chance avec sultana puis avec la justice de notre pays d'accueil. si tous les espoirs s'évaporaient il faudrait alors préparer le terrain marocain au retour des oiseaux migrateurs. on peut dire qu'actuellement tous les africains savent qu'il devient de plus en plus difficile d'émigrer vers les pays occidentaux où les droits économiques et sociaux sont garantis et les rapports humains teintés de dignité et de respects. ce qu'ils ne savent pas (ou ne veulent pas le savoir) c'est que la volonté de quitter ces pays après s'y être installé est encore plus difficile et plus douloureuse. seules des personnes capables de se dépasser et de se contenter de ce qu'allah leur a accordé - au lieu de chercher plus dans l'humiliation et le déshonneur peuvent un jour décider de s'en aller avec ou sans les membres de leur famille qui s'accrochent aux facilités de la vie et se décrochent de leur passé proche ou lointain. un matin, lhadj abdellah me rendit visite et se plaignit de la mauvaise posture dans laquelle l'avaient plongé son épouse et ses enfants rebelles. celle-ci réussit à faire condamner lhadj à évacuer le rez-de-chaussée et le premier étage de la maison pour ne lui laisser qu'une mansarde étouffante l'été, très froide l'hiver. pour avoir voulu jouer pleinement son rôle d'époux et de père, il perdit sa femme qu'il avait tirée de la misère et de l'anonymat, perdit la maison pour laquelle il avait consacré les deux tiers de sa vie active, et ses enfants pour lesquels il avait donné le sang de son cœur et la sueur de son front. pauvre au maroc, il avait malgré tout un certain honneur et une certaine dignité. au moment où il crut parvenir en belgique à l'aisance et à la stabilité de la vie, il vit son espoir s'évanouir et ses efforts s'anéantir. ni mariée ni divorcée, son épouse d'hier, encaissait à la fin de chaque mois la quasi-totalité des revenus de son mari, dirigeait comme elle entendait les affaires de la famille et recevait bon gré, de jour comme de nuit, ses amis et ses invités que le mari ne pouvait déranger sous peine d'être malmené par la police du quartier. pour s'assurer du soutien des enfants, leur mère les laissait faire ce qu'ils voulaient en toute liberté dans une anarchie terrible et un brouhaha interminable. je demandai à lhadj : n'as-tu pas de propriété à tanner ?
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