JAMAIS SANS L'ISLAMbien... maman, sauf que cette môme ne cesse de crier jour et nuit. mais, pour ne pas provoquer ta colère, je n'ose pas l'envoyer rejoindre soumaya et mahdi chez mon beau-père au maroc. je tu es folle ma fille! je me demande comment tu es arrivée à pouvoir laisser tes enfants, l'un après l'autre, aller vivre dans un pays lointain, élevés par une autre femme! ecoute maman, contrairement à ce que vous croyez, toi et des membres de la famille, ce n'est pas l'imam, mon mari qui m'imposa l'idée d'envoyer les enfants vivre avec leurs frères et sœurs au maroc. ma situation actuelle ne me laisse pas de choix: je suis incapable d'assumer en même temps les devoirs d'une mère et ceux d'une enseignante de religion islamique. en plus, maman, il y a mon faible pour la t.v. et pour ces fameux films et feuilletons américains. tu le paresseuse! ça, tout le monde en convient depuis que tu n'a pas pu franchir le pas du secondaire inférieur! mais à propos, comment ton mari a pu faire de toi une enseignante de religion islamique? je le doit à sa patience et à son acharnement. grâce à lui, j'ai suivi par correspondance des cours de mathématique, de sciences sociales, de littératures française et néerlandaise... quant aux cours d'islamologie et du saint coran, je me suis inscrite à l'institut du centre islamique, parc du cinquantenaire. pour ce qui est de la langue arabe, voici le manuel que mohamed a écrit pour moi: "l'enseignement de la langue coranique aux musulmans francophones"... ah! si ton père avait fait pour moi ce que ton mari fait pour toi! j'aurais alors été une autre personne! en fait, quand les conditions de travail à bruxelles et ailleurs étaient favorables à une réussite économique et sociale à notre portée, ton père était insouciant et sans expérience. c'est un soussi, d'accord, mais contrairement à ses cousins restés au maroc ou immigrés, il n'a pu trouver le chemin du profit matériel! ma famille, hélas, est aussi pauvre que la sienne. je n'ai pu alors aider ton père que par l'effort de mes bras et par mes encouragements perpétuels afin de gagner décemment notre pain quotidien et celui de nos enfants: toi et tes quatre frères. Ça fait longtemps que nous ne rêvons plus d'acheter une maison en belgique ou d'en faire construire une au maroc! que veux-tu nous sommes tous les deux en chômage et les dépenses quotidiennes et occasionnelles qu'exigent l'entretien et la scolarité de tes frères sont de plus en plus ton père est allé voir ton grand frère à la prison de saint gilles, tes autres frères boudent toujours la ma, son et préfèrent les mauvaises fréquentations que recèlent les rues et discothèques de bruxelles. ils ne rentrent que le soir! mon mari ne vous-a-t-il pas proposé à plusieurs reprises de prendre mes frères en charge jusqu'à ce qu'ils entrent à l'université ou exercent un métier? hélas, plus que papa, tu t'es toujours opposée à cette idée sous prétexte que tu étais capable de subvenir toute seule à tous les besoins de tes enfants! ce qui me ronge, ma fille, c'est la peur de les voir sombrer un jour dans le gouffre de la drogue et des gangs qui en vivent et qui pullulent en belgique parmi la jeunesse désemparée qui s'expose de jour en jour à la contagion, l'incarcération ou carrément à la mort! d'accord, maman, mais permets-moi de te rappeler que vous étiez papa et toi - les premiers responsables de leur déviation. comme vous, nous avons tous commencé par fumer des cigarettes, ce qui constitue pour des personnes faibles de caractère une introduction à la consommation des stupéfiants. papa fumait et buvait, n'est-ce pas? quand il a arrêté, tu as pris sa place, puis ce fut mon tour jusqu'à ce qu'allah envoyât l'imam me délivrer de la plupart de mes anciennes habitudes. oui ... oui... allah t'a envoyé un mari! mais n'oublie pas que ta mère était le cerveau de l'affaire: quand je t'avais conduite au centre islamique pour raconter à mohamed ton rêve selon lequel le prophète de l'islam te conseillait pendant toute une nuit de bien recevoir et suivre le disciple qu'il t'enverrait j'avais voulu en fait provoquer chez l'imam le désir d'épouser en toi la femme incarnant la vertu, la spiritualité et le courage, et capable d'assumer avec lui les fardeaux de l'apostolat. c'est que, ma chère, j'avais su auparavant, par certaines personnes de connaissances, que ton imam cherchait à se marier de nouveau après le retour de sa famille au maroc. c'était simple! lui, il cherchait en toi une jeune recrue gagnée à la cause islamique et toujours disponible et nous, nous cherchions en lui la poule aux œufs d'or (entendez l'or noir saoudien). mais voilà qu'excepté les deux premières années de votre mariage, nous n'y trouvons plus notre compte: as-tu vu quelqu'un donner à manger à un poisson qu'il avait réussi à pêcher? mais ne t'en fais pas! si ton imam ne répond pas à ce que j'attends de lui, il aura affaire à moi, je te le promets. là , les deux femmes rirent l'une à l'autre puis josette ajouta: regarde un peu ta cuisine, ton salon! où sont les appareils nouveaux et chics que possèdent les femmes qui travaillent comme toi ou qui sont mariées à des fonctionnaires comme ton mari?
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