JAMAIS SANS L'ISLAMquelques mois après cette tentative d'enlèvement, une convocation me parvint au nom du préfet de la sécurité nationale m'enjoignant de me rendre à l'administration provinciale de police à fès. j'y suis allé confiant et optimiste puisque j'étais sûr que rien n'avait pu et ne pourrait entacher mon casier judiciaire, que la fuite avec mes enfants constituait un acte de foi, de courage et de patriotisme et qu'ils s'agissaient encore d'une offensive, sur un autre plan, orchestrée par mes adversaires qui, tels des ennemis farouches, envoyaient sur moi leurs missiles pour réduire ma résistance au mal qui les subjuguait à leur insu. je fus reçu correctement voire amicalement par les deux commissaires mrs marzouk et kettani et par leurs hommes qui avaient pour mission de me faire subir, en présence de deux envoyés de la police judiciaire belge, un interrogatoire comportant plus de douze questions relatives à des sujets politiques et judiciaires sans rapport apparent avec le dossier familial qui nous préoccupait. je ne peux reproduire ici toutes les questions qui m'ont été posées et les réponses que j'ai fournies. je m'y limite donc à l'essentiel. sur le plan judiciaire, on voulait savoir si le double assassinat des frères al ahdal, ex-directeur du centre islamique de bruxelles et salem al bahri son secrétaire, m'avait arrangé d'une certaine manière ? sultana prétendit, dit le questionnaire, que lors de la perquisition effectuée en sa présence par la gendarmerie belge à notre domicile, rue de la prospérité 1080 bruxelles, il semblait que j'avais éprouvé la satisfaction de voir les gendarmes omettre de chercher dans une cave de l'appartement. l'insinuation était claire, la réponse aussi. pour contribuer à l'instruction de l'affaire et aider la justice pourquoi sultana avait-elle attendu des années après notre séparation pour faire son devoir de citoyenne honnête et consciencieuse ? en fait, les gendarmes belges firent ce jour là minutieusement leur travail et n'omirent aucun recoin de l'appartement, aucun papier fût-il un ticket d'autobus. sur le plan politique, on voulait savoir si j'étais chiite et si les frères tel et tel étaient ceci ou cela. j'ai expliqué qu'en europe l'activité culturelle est prospère et les gens de tous les horizons qui s'y rencontrent et se trouvent encouragés par la liberté de l'expression et la paix sociale dialoguent entre eux et il est difficile de vivre en europe dans une tour d'ivoire comme il est stupide de se replier sur soi tout en prétendant être dans le vrai et le juste. ainsi répondais-je, j'avais participé à des colloques à l'université de louvain la neuve, à l'u.l.b, à gand, à anvers, donné des conférences sur la spiritualité et la culture islamique, à liège, à charleroi, dans des églises catholiques et protestantes, avec des rabbins, des prêtres et des laïcs, reçu des journa1istes, des juifs, des chrétiens, des athées, des francs-maçons, des dignitaires chiites, des savants sunnites, des représentants d'amicales, de syndicats, de l'extrême droite des parties communistes d'occident et d'orient... j'ai porté le message de l'islam en france, aux pays-bas, en suède, à moscou, à bakou, à milan, au danemark, en arabie saoudite et en allemagne. la culture est planétaire ou n'est pas. la spiritualité est ouverte ou n'est pas. en raison du contexte politique international, être chiite pour les occidentaux signifiaient être intégriste, terroriste et obscurantiste. or, notre travail culturel, tout à fait étranger à la vie politique chez les uns ou chez les autres, montre suffisamment que nous nous sommes complètement démarqués pendant notre séjour en europe - de tout mouvement douteux(1). (1) notre activité culturelle ne nous empêche évidemment pas de penser et de dire que certains mouvements religieux ou politiques furent acculés à la violence aveugle et au désespoir par l'inégalité et l'injustice qui sévissent encore dans notre monde. la chiité que nous avons tétée avec le lait de nos mères et respiré dans l'air de notre pays chérifien n'est autre que cet amour profond que nous portons au grand messager d'allah et à sa famille qui donnèrent leur sueur et leur sang pour que la vérité l'emportât sur l'erreur, l'équité sur l'injustice, l'amour sur la haine et la paix sur la guerre.
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